mercredi 2 juin 2010

Que peut-on espérer des systèmes décisionnels ?

La réactivité avant la prévision, est devenue le mot-clé pour décrire l’exercice délicat qui consiste à piloter une entreprise. Face à ce besoin, les éditeurs ont développé des solutions pour aider les managers. Leurs offres, regroupées sous le vocable systèmes décisionnels, sont aujourd’hui très riches mais aussi très différentes en termes de fonctionnalités et d’approche. Alors que recouvre le terme de systèmes décisionnels et que peut-on espérer de ces outils ?

Article initialement paru dans Echange - revue de la DFCG

Ces dernières années, après la vague de déploiement des systèmes transactionnels (les ERP), auront été celles des outils décisionnels. Les analystes sont en outre tous unanimes pour prévoir une forte progression de leur usage dans les années à venir. Hier outils techniques, complexes et coûteux à mettre en place, leur déploiement s’est simplifié et leur usage s’est démocratisé. Certains éditeurs d’ERP ont même intégré à leur progiciel une offre décisionnelle vendue comme « immédiatement » opérationnelle.

Cette démocratisation est allée de pair avec une explosion des fonctionnalités. Auparavant limité au champ des bases de données OLAP[1] et aux requêteurs le spectre fonctionnel du décisionnel s’est fortement élargi.

Alors comment se retrouver dans cette « jungle » fonctionnelle, et surtout que peut-on espérer de sa « solution décisionnelle » ?.

Qu’est ce qu’un « système décisionnel » ?

Les systèmes décisionnels sont un ensemble de technologies destinées à permettre aux collaborateurs d’avoir accès et de comprendre les données de pilotage plus rapidement, de telle sorte qu’ils prennent des décisions meilleures et plus rapides pour in fine atteindre les objectifs de leur organisation. Les systèmes décisionnels, dans leur version la plus complète, permettent de répondre aux questions suivantes :
  •  Que s’est-il passé ?
  • Pourquoi cela s’est-il passé ?
  • Que va-t-il se passer ?
  • Que vient-il se passer ?[2]

Un système décisionnel bien conçu doit donc :
  • Fournir un accès à des données fiables.
  • Aider l’utilisateur à comprendre ces données. Le problème est moins aujourd’hui l’accès à l’information que la capacité à l’analyser, à la synthétiser.
  • Faciliter la prise de décision. Connaître la signification d’une information c’est bien. Savoir quoi en faire c’est mieux.
  • Aider à la diffusion de l’information et à la mise en œuvre des actions.
Quelles sont les fonctionnalités proposées ?

Les besoins des utilisateurs peuvent être regroupés en 4 grandes catégories : Produire des états de gestion, Suivre et contrôler, Analyser les données, Simuler. Face à ces besoins, les systèmes décisionnels proposent les fonctionnalités suivantes :


Produire des états de gestion.
  • Fonctionnalité de reporting. Requêteurs permettant de produire de façon simple et rapide des tableaux de données incorporant des calculs plus ou moins sophistiqués. Exemple d’utilisation : production d’état de gestion à la demande.
Suivre et contrôler.
  • Elaboration de tableaux de bords. Production et diffusion automatique à fréquence régulière de tableaux de bord regroupant des données hétérogènes. Exemple d’utilisation : Production de tableaux de bord graphiques à destination de responsables opérationnels (Responsables commerciaux), Balanced Scorecard.
  • Emission d’alerte. Génération conditionnelle de messages sur différents supports (Email, SMS…) plus ou moins complexes en fonction de la configuration des données. Exemple : alerte sur constatation d’un incident de paiement.
Analyser les données.
  • Fonctionnalités OLAP (Etablissement d’analyses dynamiques multi dimensionnelles avec possibilité de trier, filtrer, zoomer à l’intérieur des données), Exemple d’utilisation : détermination des causes expliquant l’évolution d’une donnée de synthèse (Chiffre d’affaires).
  • Fonctionnalités avancées de datamining. Ensemble de techniques statistiques sophistiquées permettant de faire apparaître des corrélations, des tendances et des prévisions). Exemple d’utilisation : prédiction de défaillances, sélection de client pour une promotion.
Simuler
  • Gestion de modèles de calcul (Calcul automatique d’ensemble de données complexe en fonction : de paramètres entrés par les utilisateurs et de règles de gestion) exemple d’utilisation : élaboration de Business Plan.
  • Elaboration collaborative (Ajout de fonctionnalités de workflow aux modèles de simulation décrits précédemment). Exemple d’utilisation : élaboration budgétaire.
Il est rare que l’ensemble de ces fonctionnalités soient mises en place simultanément dans une entreprise. Les mises en œuvre sont en outre souvent réalisées par domaine fonctionnel (les ventes, les achats…). Par ailleurs il n’existe pas, a priori, de produit couvrant l’ensemble de ces fonctionnalités. Chaque progiciel, en fonction de son origine et du positionnement que souhaite lui donner son éditeur, est plus ou moins avancé sur l’un ou l’autre thème.

Il est donc crucial de déterminer précisément ses besoins présents, et futurs, ainsi que les contraintes liées à son organisation ou à son activité avant de choisir une solution.

Les systèmes décisionnels quels apports ?

D’expérience, il est toujours difficile d’expliquer à des dirigeants que l’on doit dépenser de l’argent, parfois beaucoup, toujours trop, pour analyser et manipuler des données existant dans les systèmes d’information de l’entreprise.

Les apports des systèmes décisionnels sont néanmoins réels. Ils peuvent être classés en 2 grandes catégories :
  • L’amélioration de l’efficacité de la communication et de la distribution des informations de pilotage,
  • L’amélioration du pilotage des entreprises résultant de meilleures décisions, prises plus rapidement.
Si le premier point est aisément compréhensible, présente peu de risque de mise en œuvre et pose peu de problème d’évaluation ce n’est clairement pas en revanche une source de gains significative. Il sera très difficile, le plus souvent, de justifier les coûts d’un projet sur cette seule promesse.

La seconde catégorie a nettement plus de potentiel de gains mais il faut bien reconnaître que les risques de ne pas atteindre les objectifs initiaux sont réels, sans parler de la difficulté d’évaluation des bénéfices escomptés.

Les bénéfices de cette catégorie les plus souvent cités[3] sont les suivants :
  • Unicité des chiffres, une seule vérité acceptée par tous,
  • Meilleure planification,
  • Amélioration de la prise de décision,
  • Amélioration de l’efficacité des processus,
  • Amélioration de la satisfaction des clients et des fournisseurs,
  • Amélioration de la satisfaction des employés.
Les apports sont en outre propres à chaque domaine fonctionnel.

Il est probable qu’un commercial disposant d’information de synthèse à jour sur l’activité d’un client, sur l’évolution de ses achats sera nettement plus efficace. Mais quel est l’impact prévisionnel sur le chiffre d’affaires par commercial ?

De la même façon des prévisions de vente fiable accroîtront grandement la qualité des approvisionnements et permettront de réduire le niveau des stocks à taux de service constant voir en amélioration. Mais de combien ?

Les éditeurs disposent tous de nombreuses « success story » faisant apparaître des gains importants voir faramineux. Attention toute fois a bien s’assurer que l’entreprise :
  • se trouve bien dans la même situation initiale que les exemples cités,
  • est disposée à mettre en place une démarche d’ensemble allant bien au-delà du strict déploiement d’un outil informatique et incluant nécessairement l’évolution de son organisation et ses modes de fonctionnement.
En pratique, ces expériences, très souvent d’outre atlantique, sont de peu de secours au moment du choix. Comme pour de nombreux projets informatiques moyens ou gros la décision se prendra le plus souvent sur la conviction et l’engagement des responsables opérationnels concernés.

Les facteurs clés de succès d’un projet décisionnel.

Les points clés pour la réussite d’un projet décisionnel sont :
  • Obtenir l’engagement des managers opérationnels concernés. Leur soutien sera crucial pour réussir la mise en œuvre des changements de l’organisation et des modes de fonctionnement nécessaires pour tirer partie des apports du projet décisionnel,
  • Bâtir une compréhension partagée des objectifs et des orientations du projet décisionnel,
  • Prioriser les domaines fonctionnels d’application, ne pas tout faire en même temps mais privilégier une succession de petits projets à succès.
  • Donner au projet les moyens financiers et humains suffisants pour bâtir et faire vivre la solution décisionnelle.
  • Redonner tout sa dimension au business. Les projets décisionnels ne doivent plus être uniquement des projets techniques centrés sur les outils. Une réelle conception des logiques d’analyse et des indicateurs est nécessaire, quitte à enrichir les données sources si l’on souhaite aller au-delà de la stricte amélioration de la diffusion des informations de pilotage.
  • Assurer la fiabilité des données.
Conclusion.

Au cours de ces dernières années, la puissance et les performances des outils décisionnels se sont grandement améliorés. Les outils sont plus simples à mettre en place, à utiliser et exploiter, leur intégration avec les applications transactionnelles est plus facile et moins coûteuse.

L’accroissement de la performance des outils change la polarité des projets décisionnels. Hier très focalisés sur les aspects techniques, ils sont aujourd’hui principalement centrés sur des questions fonctionnelles.

L’offre de solutions décisionnelles couvre un large spectre fonctionnel et regroupe de nombreux acteurs du marché proposant des produits de bonne qualité mais très différents.

Les apports, quoique difficiles à évaluer financièrement, sont réels et le plus souvent constatés par les entreprises utilisatrices.

Les risques de ne pas tirer tout le profit de sa solution décisionnelle et de se limiter aux gains de productivité administrative liés à l’amélioration de la diffusion des informations de pilotage sont réels.

Sans détailler à nouveaux les facteurs clés de succès, maximiser les apports de son projet décisionnel implique :
  • De définir et de partager des objectifs précis,
  • De réfléchir à ses besoins et de choisir l’offre progiciel adaptée,
  • De donner toute sa dimension fonctionnelle au projet (Quels indicateurs ? Quelles logiques d’analyses souhaitons nous mettre en place ? …),
  • D’être prêt à faire évoluer ses modes de fonctionnement et son organisation. Un nouveau tableau de chiffre n’améliora pas, en lui-même, sensiblement le fonctionnement d’une entreprise. En revanche, de nouveaux modes de fonctionnement rendus possibles par la disponibilité fréquente, d’informations de pilotage fiables et pertinentes peuvent améliorer sensiblement les performances d’une entreprise.


[1] Système de gestion de base de données orienté vers l’analyse interactive et multidimensionnelle de données au niveau d’une entreprise.
[2] Tendance récente des systèmes décisionnels : le temps réel. Supportée par un petit nombre d’éditeurs et utilisée de façon confidentielle par les entreprises.
[3] Source : The data warehousing institute. Étude menée auprès de 510 entreprises utilisatrices.