jeudi 11 octobre 2012

Le Drill Down down down down, les pièges à éviter pour réussir son projet décisionnel






Plaidoyer pour une BI « intelligente et réfléchie », qui ne se limite pas à mettre à la disposition des utilisateurs des données brutes pour au contraire proposer des indicateurs permettant de comprendre et d’agir.

La promesse des outils de Business Intelligence (BI)

Un grand classique de la démonstration d’un outil BI. 
Un éditeur a convié un parterre de cadres à découvrir en avant première la nouvelle version de l’outil, tout ce beau monde est réuni dans un bel hotel parisien, sagement assis devant 2 ou 3 écrans de vidéo projection. Sur un clic de l’ingénieur avant vente, un tableau de bord s'affiche rempli de jauges graphiques et autres thermomètres. L’entreprise de l’exemple est performante, les indicateurs sont globalement « au vert », sauf un (ou deux pour faire réaliste) qui est franchement dans le rouge. Insupportable !! L’expert, nous explique qu’il va nous dévoiler toute la puissance de l’outil. Il clique d’un geste assuré (pour les profanes il « drill down») et obtient l’éclatement des ventes par famille de produits comparé à l’objectif. 

Une famille ressort, nettement en deçà des attentes. Un autre click et l'on découvre qu’en fait, ces produits sont majoritairement achetés à un fournisseur avec lequel l’entreprise rencontre beaucoup de problèmes de livraison.
Ca y est en 3 minutes chrono le problème est cerné (c'est-à-dire résolu), les ventes devraient exploser le mois prochain.

Comment ça se passe dans la vraie vie !

Dans la réalité d’une entreprise d’aujourd’hui, le point de départ ne serait probablement pas un tableau de bord graphique mais plutôt un tableau de chiffres, disons le CA et la marge comparé à l’objectif et éclaté par régions commerciales. Premier drill down cela fonctionne les données s’affichent (15 a 20 lignes) … mais aucune explication n’apparaît clairement. Des écarts positifs et négatifs mais rien de dramatique, aucun coupable à qui imputer la baisse. On retient les 3 lignes avec les écarts les plus importants pour un nouveau drill. A nouveau 20 lignes affichées pour chacun des 3 éléments sélectionnés. Et là « oh joie », l’explication apparaît enfin, une ligne présente un écart sensiblement plus élevé que les autres. On va maintenant comprendre ce qui s’est passé. Las, après 2 secondes de réflexion on finit par se rendre compte que l’anomalie identifiée explique moins de 5 % de l’écart global lui-même minoré des secteurs commerciaux ayant dépassé leur objectif. Le problème reste donc entier.
Pressé par le temps, l’explication des performances décevantes se limite donc très souvent à une sélection des éléments présentant les écarts les plus importants, complétées par une phrase indiquant que les écarts sont très éclatés et que la sous-performance est « générale ».

Pourquoi ces difficultés ?

Comment, et pourquoi, malgré les outils dont on dispose, et les efforts qui ont été fait pour les déployer se retrouve-t-on dans cette situation ?  Autant le dire tout de suite les outils globalement tiennent leurs promesses … techniques. Le drill down par exemple est effectivement un moyen très ergonomique, et depuis quelques années très performant, d’explorer des volumes de données importants. Le problème, comme toujours, est plutôt lié à à façon de mettre en place les outils et à l’usage qui en est fait.

Par manque de réflexion et de temps beaucoup de projets BI se limitent à alimenter un datawarehouse et proposer un nombre très limité d’indicateurs basics.  

Appliqué au domaine commercial, cela donne une base de données principale composée des lignes de factures clients et des objectifs de vente agrégés que l’on consolide selon des axes temps, clients, produits et organisation commerciale, chacun disposant de plusieurs niveaux. Dans le monde de la distribution, ces éléments sont complétés par des axes « point de vente » et « fournisseur de l’article ». En termes de mesure, le système gère des quantités, le chiffre d’affaires net, et la marge brute, pas nécessairement déclinés en termes d’objectifs.

Le parti pris, de ces projets a été de considérer qu’avec ces éléments on mettait à la disposition des analystes « l’intégralité des données du monde commercial et marketing » au niveau le plus fin. Comme par ailleurs l’outil permettait facilement d’agréger de filtrer et de trier les analystes avaient dès lors, en théorie, la possibilité de « tout faire ». 

Néanmoins, la meilleure façon de comprendre quelque chose ne consiste pas, le plus souvent, à appliquer à des périmètres de plus en plus fins, une grille de lecture conçue essentiellement pour apprécier le niveau de réalisation d’un objectif. Au mieux, et rien n’est sûr, on apprendra l’objectif n’a pas été atteint mais probablement pas pourquoi ? Ce dernier point est pourtant essentiel pour agir.

À cette importante question du « pourquoi l’objectif n’a pas été atteint ? » les opérationnels concernés n’ont souvent pas plus d’éléments de réponse. Des idées, des justifications, souvent récurrentes, parfois des pistes, mais rarement des explications étayées, le souvenir d’un cas monté en épingle et extrapolé ne prouvant souvent rien. 

Comment on pourrait faire pour améliorer les choses ?

D’abord une précision je n’ai aucune ambition d’explication exhaustive et absolue de l’évolution d’un indicateur.  La démarche présentée ci-après vise plutôt à vérifier si des pistes classiques d’explication se trouvent vérifiées pour une période donnée. 

Pour ne pas être trop long les exemples d’indicateurs présentés ci-après sont adaptés à des univers commerciaux et marketing, mais une démarche identique peut être appliquée au monde de la finance, de la logistique, des achats.

Expliquer …

Des exemples d’outils d’analyse de l’évolution du chiffre d’affaires sont repris ci-après.

Analyse de la dégradation tarifaire.

Principe : Identifier les parts respectives des différentes causes dans l’évolution du CA N versus une période de référence : la période N-1, un objectif.
Démarche : isoler les différents éléments qui composent le chiffre d’affaires d’une période. Partir avec pour chaque élément la valeur de la période de référence puis affecter à chaque élément, par étape, la valeur de la période à analyser.
Ainsi le chiffre d’affaires est égal : 


  • aux Quantités vendues d’articles.
  • * Le prix tarif de chaque article.
  • * Le taux de remise permanente du client concerné.
  • * Le taux de remise promotionnelle.
  • * Le taux de remise exceptionnelle.
  • * Le taux de remises hors factures.
  • * Le pourcentage d’avoir financier (éventuellement éclaté par grande nature).
En faisant varier chaque élément l'un après l’autre on va faire apparaître une série d’écarts explicatifs de l’évolution du CA (impact  de l’augmentation de tarif, impact de l’évolution des taux de remise.

Lors de ce type d’analyse se posent souvent les questions suivantes : 


  • Comment traiter les nouveaux articles pour lesquels il n’existe pas de tarif N-1.
  • Comment intégrer les avoirs financiers rarement affectés à des articles.
  • Sur quelle période effectuer les calculs, comment gérer les événements intervenus en cours de période.
Il n’y a pas en général d’obstacles qui ne puissent être solutionnés par un peu d’astuce et de créativité.

Cette démarche peut aussi être étendue à la marge brute.

Analyse du portefeuille clients.

Principe : Identifier l’impact de l’évolution du portefeuille clients sur le CA. Cette analyse est d’autant plus pertinente que le marché est basé sur un nombre important d’acteurs dont le taux de rotation est important (vente aux professionnels) par exemple.

Démarche : Qualifier les clients en fonction de leur ancienneté.  Une démarche complémentaire consiste parfois à intégrer une notion de typologie de clients (client VIP …). La variation de chiffre d’affaires sera ensuite analysée en termes de :


  • Augmentation de CA réalisée grâce à de nouveaux clients.
  • Perte de CA liée à des clients anciens sans activité au cours de la période.
  • Clients existants ayant augmenté leurs achats.
  • Clients existants ayant diminué leurs achats.
Le parti pris de ce type d’analyse est qu’il est nécessaire de renouveler constamment le portefeuille de clients.
Dans le même esprit un indicateur de risque peut être constitué par la distribution des ventes : part du CA réalisé avec les x premiers clients.

… Alerter …

A ces exemples d’indicateurs explicatifs, (on pourrait en trouver d’autres), il est souvent utile d’ajouter des indicateurs d’alerte mettant le focus sur les évolutions extrêmes qui nécessitent souvent un peu d’attention.

Plus fortes évolutions.

Exemple : Top X des clients qui ont le plus augmenté ou le plus baissé en termes de CA.

Baisse brusque d’activité.

Exemple : 
  • Liste des clients qui n’ont pas commandé depuis plus de x jours.
  • Liste des clients qui ne commandent plus une gamme de produits précédemment significative.
Risque d’insatisfaction clients.

Exemple : 
  • Liste des clients les plus importants en termes d’avoirs financier.
… Proposer des axes d’amélioration …

Niveau de saturation du client.

Principe : Identifier la marge de progression des ventes chez un client donné en comparant le potentiel d’achat du client avec son chiffre d’affaires.

Démarche : Le potentiel du client est en général déterminé en fonction de son volume de production, de son CA éventuellement pondéré d’autres critères liés à l’organisation de son activité. L’idée est de se concentrer sur les clients à fort potentiel ou de suivre les variations de part de marché.

Structures d’achat atypiques.

Principe : Un des axes efficaces d’identification d’opportunités pour un client consiste à comparer sa structure d’achat avec celle de clients comparables.

Démarche : Regrouper les clients en groupes homogène en termes d’usage théorique des produits de la société. Remarque : il ne s’agit pas d’analyser leurs achats puis de les regrouper sur cette base mais à l’inverse de définir leurs types puis de vérifier la cohérence de leurs achats avec ceux des entreprises du même type. Les regroupements clients sont, en général, bâtis en fonction de la taille et du secteur d’activité du client. L’analyse n’est pas conduite par article mais par famille d’articles homogènes en termes d’usages.

Comment mettre en place une telle approche ?

Une telle démarche implique une réelle réflexion sur l’activité de l’entreprise, ses risques, les marges de manœuvre des différents responsables. Avant de choisir les indicateurs et les tableaux de bord, il est essentiel de définir la logique d’analyse des résultats, d’identifier ce qui peut entraîner une moindre performance ou au contraire avoir un impact favorable.

D’un point de vue, pratique il ne faut dans un premier de temps ne pas parler d’indicateurs et de tableau de bord mais de risque, de logique d’analyse … L’approche consiste à regrouper un échantillon de « futurs utilisateurs » autour d’interrogations du type :
  • Quelles sont les questions que vous vous posez afin de comprendre les résultats d’un mois ? la performance d’un client ?
  • Quels sont les risques qui pèsent sur votre activité ?
  • Sur quelle base établissez-vous les prévisions ?
  • quels sont les signes annonciateurs d’une moindre performance ?
  • Quels sont les rythmes de l’analyse des performances, comment est organisé le contrôle et le suivi de l’activité (réunion, support, objectifs de la réunion) ?
Une fois que l’équipe dispose d’une réelle compréhension de l’activité, l’étape suivante consiste à élaborer un tableau bord, c'est-à-dire un ensemble d’indicateurs, pour chaque « rendez-vous » d’analyse des performances (un même tableau de bord peut être utilisé par plusieurs instances). Le tableau de bord élaboré par l’équipe projet doit être réalisable (les données sont disponibles à la fréquence nécessaire) mais aussi un peu ambitieux voire provocateur afin de susciter la réflexion.  Ces tableaux de bord sont proposés aux futurs utilisateurs afin d’être amendés et complétés.

La démarche est ensuite classique : construction et alimentation du datawarehouse, paramétrage des indicateurs et élaboration des tableaux de bord, recette, formation.

En synthèse !

Les outils de BI sont de formidables outils d’amélioration des performances. En tirer tout le bénéfice implique, bien au-delà du recensement des besoins utilisateurs, une réelle compréhension de l’activité de l’entreprise, de son organisation et de ces risques. L’équipe projet doit être une réelle force de proposition élaborant des propositions de tableaux de bord à partir des usages qui vont en être fait. Une approche plus « technique » exclusivement centrée sur la satisfaction immédiate des besoins utilisateur exprimés abouti en général à une compilation de données brutes, ne permettant pas réellement de progresser dans la compréhension de l’activité et de son évolution et très loin de constituer un support aux actions d’amélioration...